Le cinéma à sa manière
2 février 2021
Les films de Miryam Charles voyagent à travers le monde et reçoivent des récompenses dans de prestigieux festivals. Pourtant, lorsqu’on demande à la réalisatrice ce qui la rend la plus fière, elle dit simplement être heureuse de n’avoir jamais abandonné son ambition de faire du cinéma. Portrait d’une réalisatrice persévérante à la trajectoire unique.
D’aussi longtemps que Miryam Charles se souvienne, le cinéma a toujours fait partie de sa vie. « C’est avant tout une histoire de famille et de partage parce qu’on regardait énormément de films ensemble, souvent des films américains doublés en français qui jouaient à la télévision », raconte-t-elle en entretien téléphonique.
En hommage à ses proches
Ce lien étroit qui unit la famille de Miryam Charles au cinéma a bien évolué au fil du temps. Maintenant, il s’intègre tout simplement à ses œuvres cinématographiques.
« Je rends un peu un hommage à ma famille et celles qui ne sont souvent pas représentées dans le cinéma québécois, explique-t-elle. Je veux montrer qu’on a des origines haïtiennes, mais aussi qu’on est des Québécois et qu’on fait, nous aussi, partie de la société. C’est simple, je représente un peu ce que je connais et ce qui est important pour moi. »
Simple, affirme la réalisatrice de 36 ans, et pourtant, plusieurs personnes ont voulu la convaincre que le public aurait de la difficulté à s’identifier à ses personnages s’ils étaient Haïtiens. « Je me suis moi-même identifiée à des films qui n’ont aucun rapport avec ma vie : des films qui se déroulaient en Russie, au Japon, dans le futur, lance-t-elle. L’art, c’est ouvert à tout le monde. »
Et Miryam Charles tente non pas de s’adresser à des communautés, mais de toucher le grand public par la dimension universelle du cinéma. Ses films, dont Deuxième génération, Une forteresse (Bourse Labocine — Imagine Science Film Festival de New York), Trois Atlas (Mention spéciale – Festival du nouveau cinéma, Prix meilleure œuvre d’art et expérimentation – Rendez-vous Québec cinéma, Prix meilleur court métrage art et expérimentation – Cinema on the bayou de Lafayette) et Vers les colonies, tissent des liens certes, étroits ou larges, avec ses origines haïtiennes, mais sont surtout des œuvres poétiques et sincères qui font fi de toute langue, classe sociale ou couleur de peau.
Hormis l’enjeu de la diversité à l’écran, Miryam Charles a essuyé plusieurs refus à ses demandes de subventions avant de pouvoir s’investir à temps complet dans ses films. « En cinéma, tous les chemins sont différents », lui avait dit un professeur alors qu’elle était sur les bancs d’école. Et Miryam, elle, s’est accrochée à cette différence.
Une réalisation instinctive
Mais le caractère unique de cette artiste ne réside pas que dans son aplomb à rejeter les standards. La façon même dont elle s’y prend pour réaliser ses courts métrages est surprenante. Portant une caméra 16 mm avec elle fréquemment, elle filme son environnement, puis conserve le résultat de ses captations dans une banque d’archives.
« Quand j’ai une idée d’histoire à raconter, j’enregistre toute la bande sonore d’abord, donc les dialogues, la narration, les sons, explique-t-elle. Je fais tout le montage sonore et après avoir écouté la bande-son pendant un certain temps, souvent en boucle dans le métro ou ailleurs, je commence à monter les images que j’avais mises de côté sur le son. »
L’aspect visuel, qu’elle considère comme quasi secondaire dans son processus, n’est pas moins raffiné pour autant. L’effet de sa caméra 16 mm opère à merveille et ses images, riches et texturées, proposent une forme de lumière que l’on voit peu dans le cinéma actuel.
De projet en projet
Avec de nombreux films en chantier, Miryam Charles tente du mieux qu’elle peut d’avancer malgré la pandémie. Son plus récent court métrage, Chanson pour le nouveau monde, ayant obtenu le soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec, devrait d’ailleurs sortir au cours des prochains mois. « C’est un court que j’ai commencé à tourner sans le savoir durant un séjour en Écosse il y a deux ans. J’ai filmé quelques images, je n’y ai plus trop pensé, puis peut-être un an plus tard, j’ai eu l’idée de raconter l’histoire d’une famille haïtienne qui décide d’aller acheter un château en Écosse », partage la cinéaste.
La bourse du Conseil apporte une plus-value significative à son court métrage. Pour une première fois, elle s’adjoint les services d’un compositeur, Romain Camiolo, à la trame sonore du film, ainsi que d’une ressource en administration. « Ça me permet d’avoir des collaborateurs, de les payer à leur juste mesure. Et d’avoir une équipe, ça ne fait qu’enrichir le projet », ajoute-t-elle.
La réalisatrice planche parallèlement sur un autre court métrage, sur une série télévisée de fiction « surnaturelle » qui abordera notamment la thématique du vaudou, en plus de préparer un premier long métrage, documentaire, qui se veut un hommage à la vie qu’aurait pu avoir sa cousine, victime d’un meurtre il y a 10 ans.
Fière d’avoir persévéré pour se tailler un succès, Miryam Charles poursuit sa trajectoire unique et instinctive et développe sa vision du cinéma en faisant abstraction de toute convention.
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