S’exprimer sans contraintes
18 novembre 2021
Boursier du Conseil pour son plus récent projet artistique, Marven Clerveau brille par son parcours empreint de détermination et illumine tout sur son passage. L’artiste multidisciplinaire montréalais d’origine haïtienne, qui compose avec une dysphasie et une scoliose depuis sa naissance, a choisi le dessin, la bande dessinée et la peinture pour extérioriser ses difficultés, exprimer sa différence et surtout, la valoriser.
« Beaucoup de gens autour de moi avaient de la difficulté à me comprendre quand j’étais petit, surtout les enfants à l’école. La seule personne qui me comprenait, c’était ma mère », affirme Marven Clerveau lors d’une entrevue téléphonique. Souvent à l’écart de ses camarades, il s’effaçait et avait une faible estime de lui-même. Il parlait peu, mais il dessinait énormément, éveillant chez ses professeur(e)s l’idée de l’encourager à participer à des ateliers parascolaires. « C’est là que tout a commencé », dit l’artiste de 26 ans.
Plonger, tête première
Prenant plaisir à explorer des styles et des médiums sans se restreindre, Marven a vu au fil du temps un monde de possibilités s’ouvrir à lui. Sans cesser de gribouiller des illustrations inspirées des mangas comme il avait l’habitude de le faire, l’artiste a tranquillement développé de nouvelles techniques dont le dessin au pastel et la peinture acrylique. Et parallèlement, il a su bâtir sa confiance et reconnaître son propre talent.
Quelques années plus tard, à l’aube de sa vie adulte, Marven a pris part à un atelier d’exploration artistique avec l’Association de Montréal pour la déficience intellectuelle. Contre toute attente, l’atelier lui a permis d’obtenir une belle visibilité et de rencontrer la direction de Diversité Artistique Montréal (DAM) qui épaule des artistes immigrant(e)s dans le développement de leur carrière.
« Le directeur a fait une belle critique de mon travail […] et il m’a suggéré de définir mon style pour que le public connecte davantage avec mes œuvres. Après ça, j’ai reçu du mentorat avec un artiste professionnel et j’ai vraiment mis mes énergies à trouver mon identité », raconte-t-il. »
Collage au moyen de papier journal, pastel et acrylique s’harmonisent depuis dans ses tableaux au style figuratif.
Clin d’œil à Frida Kahlo
Lorsqu’on demande à Marven quelles sont ses influences, il répond sans hésiter que les autoportraits de Frida Kahlo l’ont vivement interpellé, particulièrement La colonne brisée (1944) reflétant la souffrance de la célèbre peintre mexicaine après avoir subi un accident d’autobus. « On voit des clous sur sa peau et il y a une espèce de colonne de fer à la place de sa colonne vertébrale. On voit la tristesse sur son visage. Ça m’a donné l’idée de ma série Scoliose », affirme-t-il. La série Scoliose a par ailleurs fait partie de son exposition Disphl’Égo à la bibliothèque Henri-Bourassa dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs plus tôt cette année. Le lien entre sa série et l’œuvre de Kahlo est frappant.
Opéré à 10 ans pour corriger sa déviation de la colonne vertébrale, Marven a chuté deux ans plus tard, provoquant le bris de sa tige métallique et l’entraînant à passer plusieurs mois à l’hôpital pour traiter son dos.
Exprimer la différence
Marven a beaucoup exploité les thématiques de la dysphasie, de la scoliose et de l’enfance à travers ses œuvres, non seulement pour exprimer sa différence, mais pour sensibiliser les gens aux comportements négatifs qu’ils ont face à la différence. Au fil du temps, l’artiste a aussi intégré d’autres sujets à ses tableaux. « J’ai réalisé que je ne me définis pas juste par cela, dit-il. Je fais beaucoup de portraits de personnalités publiques dont j’ai souvent entendu parler. Je fais aussi beaucoup d’Afro-Américain(e)s et des personnes auxquelles je m’identifie. »
Ses visions du hip-hop
Marven travaille d’ailleurs sur une série de 21 toiles représentant des figures marquantes de l’histoire du rap québécois. « Avant d’entamer le projet, je ne connaissais aucun(e) rappeur(-euse) québécois(es). Comme beaucoup de jeunes, j’étais influencé par le rap américain. Mon but, c’est donc de partager aussi mes recherches et de montrer comment le rap a commencé ici […] Je rencontre des rappeur(-euse)s qui me racontent leur histoire et cela m’aide ensuite à faire leur portrait », explique-t-il. L’artiste est notamment allé à la rencontre de Webster, Jenny Salgado et Imposs (Muzion).
Ayant obtenu une bourse du programme Vivacité au Conseil pour la réalisation du projet, il a ainsi pu louer un studio dans Hochelaga-Maisonneuve, où il termine présentement les dernières œuvres de la série. Le résultat sera présenté lors d’une exposition au Centre Phi entre février et mars 2022.
Toujours aussi passionné de mangas, il a également lancé en 2019 une première bande dessinée intitulée Dragonlier : le monde intérieur (Les Éditions Mots Roses) et en prépare déjà la suite. Comme quoi les limites artistiques de Marven Clerveau sont loin d’être encore tracées!
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