Jacques Brault
Jacques Brault a consacré sa vie à transformer le plomb de la condition humaine en or, grâce au verbe. Poète, romancier, essayiste, dramaturge et traducteur, il a fait la navette entre l'intériorité et l'extériorité, les époques et les genres littéraires, en explorant les possibilités et en repoussant les frontières. Même rongé par l'angoisse, la précarité et la détresse dans lesquelles le plonge la pleine conscience de nos chimères, il n'a jamais renoncé à se réinventer, à la recherche de l'innocence, de la désinvolture, de la liberté modeste et des « joies banales du quotidien ».
Par sa poésie, il ne courtise ni l'extase, ni le ravissement, mais veut accentuer le poids et la valeur du langage où il puise sa force pour nous offrir en retour des fulgurances qui nous vont comme des ailes. Écrivain de l’intime, il a mis en mots, en mémoire et en murmures les Moments fragiles de notre existence. Son écriture trace un chemin parfois douloureux à emprunter, mais sa parole fraternelle se propage en nous familièrement. Il sait rendre l'indicible universel et souder ses lecteurs à son œuvre par des phrases qui ont le parfum entêtant de la vérité.
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Monsieur Brault n'a pas pu assister à la cérémonie, mais il nous a adressé le message que voici :
Mesdames, Messieurs,
Tout d'abord, je tiens à remercier les membres du Conseil de m'avoir nommé Compagnon de l'Ordre des arts et des lettres du Québec. Il va sans dire que le Conseil joue un rôle essentiel au développement et au rayonnement de notre culture. Je veux ensuite féliciter les Compagnons et les Compagnes qui viennent d'être nommés à l'Ordre et dont je m'honore de faire partie.
Sur un mode moins cérémonieux, j'ajouterai succinctement que la vitalité du Québec, à moyen et long termes, me parait être fondamentalement d'ordre culturel. C'est dire qu'elle repose avant tout, mais bien sûr pas uniquement, sur la générosité créatrice et sur le courage qu'exige dans notre monde actuel la création artisanale, artistique, intellectuelle, et tout bonnement (mais pas facilement) sur la confiance active, ouvrière, oui, dans la mise en commun de nos ressources vitales. Ce n'est là rien d'illusoire ni de trop optimiste. En fait, c'est une nécessité qu'on espère consentie, un choix de vie hors de toute étroitesse partisane et loin de consentir à la fausse fatalité historique.
D'origine plus que modeste, je retiens de l'héritage de mes parents et de l'exemple des habitants du quartier montréalais où j'ai grandi, le désir simplement réaliste et comme implicite d'œuvrer pour le mieux à la présence de notre différence en un monde menacé par l'uniformisation stérilisante. Cette différence, nous la pourvoyons aussi de notre accueil de l'autre dans sa figure éminemment humaine et souvent blessée. Nous sommes prêts, en tant que créateurs et inspirateurs de tous ordre, par nos gestes, nos paroles, nos pensées, à soigner les maux de notre vie commune.
Voilà ce qui en fin de compte nous réunit maintenant, ici, et qui, je le souhaite de tout cœur, nous gardera réunis dans le temps et dans l'espace futurs.
- Jacques Brault
Texte lu le 29 mai 2017, lors de la remise des insignes de l’Ordre des arts et des lettres du Québec, au Centre PHI, à Montréal. Organisée par le Conseil des arts et des lettres du Québec, la cérémonie était animée par Claude Deschênes.
Le Conseil remercie son partenaire Hydro-Québec.