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Réjean Ducharme (1941-2017)
Énigmatique et monumental, Réjean Ducharme aura tenu jusqu’au bout son pari de rester à l’ombre de son œuvre immense constituée de romans, pièces de théâtre, chansons, scénarios et sculptures dont la force continuera d’exprimer l’imaginaire singulier. À défaut de photos, il nous a laissé un foisonnement d’images et une voix unique dans la littérature française.
Enfantôme résistant farouchement à la médiatisation, il aimait se promener la nuit et glaner des objets abandonnés qu’il transformait en œuvres d’art. Il était sensible aux choses brisées, à l’instar des personnages maghanés peuplant ses livres, dont l’innocence et les mots déchirent la noirceur comme autant d’éclairs.
Ses histoires de refus, de rêves et de révolte sont imbriquées aux nôtres et nous atteignent par leur humanité, par ce qu’elles ont d’universel. Pour les conter, il a inventé une langue forgée comme l’instrument d’une liberté souveraine, qui lui permettait d’être émouvant, tordant et mordant à sa guise.
Nommé Compagnon des arts et des lettres du Québec en 2015, il n’était évidemment pas venu à la cérémonie de remise de son insigne. Mais nous le lui avions envoyé, comme une déclaration d’amour, d’admiration et de reconnaissance pour son œuvre qui a marqué et inspiré des générations de lecteurs, nous faisant éprouver, comme l’héroïne de L’Avalée des Avalés, « une délicieuse sensation d'ébriété et d'espace, une grande impatience, un magnifique désir. »
- Anne-Marie Jean, présidente-directrice générale du Conseil des arts et des lettres du Québec